Live El Harrez ( Paris Bercy) El Gusto Orchestra Of Algiers
... Né au milieu des années 1920, le chaâbi est une musique issue de plusieurs influences. Berbère, andalouse et chants religieux : « on a fait un cocktail et ça a donné la musique chaâbi. » L’inventeur de cette boisson musicale au goût nouveau, de « ce son magique qui résonne » encore dans le cœur et les oreilles de ses anciens élèves, s’appelle Cheikh- Le Maître- El Anka (Hadj M’ahmed El Anka, 1907-1978). Sa recette est faite d’emprunts et de mélanges, de métissages et d’adaptations, de transformations mais aussi d’innovations musicales.
EL HARRAZ ou L’ENCHANTEUR
De son lointain HIDJAZ, il traversa déserts et montagnes, parcoura plaines et fôrets, traversa maintes rivières, ombre noire sur son destrier aussi noir que la nuit la plus noire, pur-sang arabe aux narines écumantes, il chevaucha ainsi, sans répit, jusqu’au Maghreb, pays aux mille vergers sentant bon le jasmin.
Devin ou enchanteur, sorcier ou magicien ? El Harraz était redouté pour ses pouvoirs et personne ne savait d’où il les détenait. Etait - il un Djinn ?
Un geste, un regard de ses yeux perçants et les femmes tombaient à ses pieds comme des fruits mûres.
Cerbère érudit du Hidjaz, il connaît l’art de l’orientation et de la navigation, instruit par tant de sages et de savants, bien informé sur la ruse des femmes, buveur invétéré, il chevauche, à brides abattues, vers le Maghreb.
Ayant entendu parler de la beauté et de la grâce des Maghrébines, il jeta son dévolu sur cette région à la recherche de LA gazelle, pour assouvir sa passion des femmes.
Infatigable sur sa monture, il visita, sans répit, pendant des jours et des nuits, les villes et villages des ces rudes berbères du rif.
Sa monture, à bout de souffle, narines écumantes, il fut obligé de s’arrêter dans un bourg du nom d’AZEMOUR, niché au creux d’une verte vallée, pour soigner et nourrir son cheval.
Profitant de cette brève halte, El Harraz, rapace aux yeux perçants, déambula dans le petit bourg en dévisageant les belles du village, qui, cruches sur la tête, descendaient vers la rivière pour les remplir d’une eau fraîche et limpide. Elle surpassait toutes les autres filles d’Azemour, vierge superbe et gracieuse, elle jouait du luth de ses doigts de fée, en chantant des mélodies à faire chavirer les cœurs. Eloquente poétesse du Maghreb, jeune fille aux dix huit printemps, elle passait le plus clair de son temps à coté de son troubadour. Telle était AOUICHA !
Ayant eu vent du but de ce maudit Harraz, les jaloux et les envieux se liguèrent contre le couple, pour vendre la belle Aouicha à cet étranger qui rodait dans le bourg d’Azemour.
Kidnappée par une nuit sans étoiles ils la remirent à cet étranger, qui, sans plus attendre, l’attacha à la croupe de son cheval et fila dans la nuit telle une ombre maléfique.
Aujourd’hui encore, les villageois transmettent à leurs enfants, l’histoire de cette ombre noire, cavalier de l’apocalypse, traversant leur village à la recherche de la belle Aouicha.
A l’horizon, le disque, d’un jaune orangé, disparaissait lentement, laissant la place aux étoiles. Aucun signe de Aouicha !
Toute la journée passée à aligner des vers plus beaux les uns que les autres, il ne sentit pas le temps passé car c’était pour sa belle Aouicha qui les écrivait. Aouicha qu’il aimait d’un amour tendre et pur, lui, le troubadour du village. Ses poèmes étaient dédiés à la mélodieuse voix de son rossignol ; Aouicha.
Un brouhaha attira son attention. Il sortit et vit les villageois en émois.
« Que se passe t-il ? » demanda t-il.
« Aouicha a disparu ! » lui répondis un villageois.
A cette réponse, il se sentit défaillir et d’une voix oppressée, il questionna :
« Mais comment cela ? »
Et ce n’est qu’au bout de sept jours, d’un calvaire inimaginable, qu’un messager annonça la nouvelle ; Aouicha a été kidnappée par un Harraz qui l’a enfermée dans un palais encerclé de gardes et situé entre la mer et l’embouchure du fleuve, subjugué, fasciné et conquis par la beauté souveraine de Aouicha.
Au messager, notre poète répondit :
« Tous mes amis sont des aigles, mais notre vision diffère sur la plus majestueuse des jeunes filles, car, je l’admire, moi, lorsqu’elle lui accorde quelques faveurs en le tourmentant, lui montrant ainsi de quoi sont capables les Maghrébines ! ».
« Ö ! Vous qui m’écoutez, que dois je faire, quelle ruse dois- je utiliser avec ce harraz ? » questionna le poète
« Ne t’inquiète pas mon ami, nous t’aiderons à retrouver ta bien aimée ! » répondirent d’une seule voie, les belles, venues s’enquérir de leur amie
« Nous allons toutes partir avec toi et nous convaincrons ce Harraz de malheur, de relâcher Aouicha ta bien aimée ! » A ces paroles, notre poète repris espoir, et ensemble ils mirent au point un plan.
Elles étaient douze, belles fleurs s’épanouissant dans un « Boustan » andalous, source de jouvence qui rendrait la jeunesse à un vieillard lui faisant oublier jusqu’à ses blancs cheveux.
« Ecoute nos conseils Ô poète, nous sommes plus malignes que toi, seule la ruse peut venir à bout de ce Harraz ! » dit l’une des filles.
« Je m’en remets à Dieu et à vous mes tendres amies ! » répondit le poète.
Elles déguisèrent notre jeune ami en un respectueux Cadi ; Fausse barbe blanche, Djellaba, livres de droit accroché dans sa besace, poignard, finement ciselé, attaché à sa ceinture et chapelet en main, ils prirent la route du palais.
Après quelques heures de marche ils aperçurent le palais niché sur un îlot.
A leur vue, les gardes appelèrent leur maître :
« O érudit, voudrais-tu leur répondre ? »
La silhouette maléfique d’El Harraz apparut sur les remparts. Il interpella notre poète déguisé en Cadi :
« Que représentes-tu ô Maghrébin ? »
et notre poète de répondre :
« Je suis le Cadi de la ville venu solliciter ta bénédiction, ô sage érudit et t’inviter, au nom du GENEREUX, à honorer ma demeure de ta visite ! »
« Ô Cadi ! Cette paix offerte, je ne la crois pas sincère. Pour moi, votre nourriture est illicite et tu es un Cadi fourbe. Passe ton chemin et éloigne-toi de moi. Comment un importun comme toi pourrait-il être Cadi ? » rétorqua le cerbère, qui, tel un faucon, rentra dans son palais.
Nullement découragés par cette déconfiture, nos amis décidèrent d’un autre stratagème pour tromper ce diabolique Harraz, disciple de Sidi Rahal.
En effet, d’un commun accord, ils décidèrent, cette fois ci, de se déguiser en hommes déterminés, parés de coiffures rituelles et portant boudoirs et cierges allumées, bendirs et danseurs en transes. Troupe, à qui, généralement, on ne refuse ni le gîte ni le couvert, dans ces régions.
Et, ils repartirent, ainsi, vers le palais.
A leur vue, les gardes demandèrent à leur maître :
« O érudit, voudrais-tu leur répondre ? »
Le cerbère sortit sur les remparts en roulant des yeux. Notre poète s’avança vers lui en le saluant et en exécutant une danse de transe « Gnaoua ».
« Souhaite la bienvenue aux honorables personnes que nous sommes, tu connais bien Sidi Rahal, notre ancêtre, n’est-ce pas ? , puisque tu es venu chez nous au Maghreb, nous devons donc, te montrer nos coutumes. Fais - nous donc entrer dans ton palais et honore - nous d’offrandes, d’ambre et de fleurs. Nous t’apportons bien et protection ! ».
Intrigué par le long silence du cerbère, notre ami demanda encore :
« Pourquoi ne réponds-tu pas ? »
Toisant notre troubadour, El Harraz interrogea :
« Qui est cet ancêtre dont tu parles ? Un prophète, un saint, un messager ? C’est lui qui aurait transmis cette doctrine de la ruse et de la perfidie ? Vous êtes douze grands ânes avec vos coiffures en épis de maïs, et toi, le plus perfide, ils t’ont suivi par esprit de corps ! »
Se tournant vers ses gardes :
« Honorez-les de coups de canne ! »
Nos amis prirent leurs jambes à leur coup et s’enfuirent le plus loin possible de ce maudit harraz.
Mon diadème de beauté s’en est allé et je suis sans nouvelle d’elle depuis sept jours ! » se lamenta, notre troubadour, auprès des belles.
« Ô l’amoureux, nous allons retourner, nous douze, toutes d’une beauté triomphante : trois virtuoses du violon, trois joueuses de luth maîtrisant parfaitement cet instrument, trois percussionnistes sachant sur le bout des doigts leurs qaçayed et trois danseuses charmant jusqu’au doyen des pénitents, à notre vue le vieillard redeviendra jeune ! » lui répondit l’une d’elles.
« C’est là la solution, oui, cette ruse est la clé ! » rétorqua notre jeune ami.
La plus belle se leva, le vêtit d’or et de soie, comme s’il était un enfant aux joues roses et le couvrit d’un haïk de fine laine et les jeunes filles de lui dire :
« Oh cheikha, précède-nous donc ! A partir de cet instant nous te prénommons Yamna ! ».
Elles l’avaient déguisé en une jeune et belle fille.
Elles se mirent en marche ; Lala Malika et sa sœur Fetouma, Rym Hadda et la gazelle Zahra, Habouche et Radia, Mennana et Zahia, Errhima, Khenata et lala Habiba ainsi que la grande Oum Keltoum à la taille fine de gazelle, douze, parées de leurs plus beaux atours et dont les yeux tracés au Kohl perceraient le cœur du plus croyant. Bouquet de fleurs qui feraient faner la plus belle des orchidées d’un boustan royal. Le cortège, avec à sa tête notre « Cheikha » reprit le chemin du palais.
A leur vue, les gardes demandèrent au Harraz :
« O maître, voudrais-tu leur répondre ? »
Du haut des remparts, le cerbère d’Aouicha demanda :
« Qui parmi vous est la Cheikha ? »
« C’est moi, ô sage érudit. Nous sommes venues de Fez pour te voir, toi le sage érudit, le plus cher d’entre les hommes, pour le plaisir de la musique autour d’un verre ! » répondis notre « Cheikha ».
D’une voix grondante, El harraz, rétorqua :
« Tu es une diablesse, tu es venue à moi avec des airs hypocrites et flatteurs, cherche, plutôt, un campement où te loger, pauvre hère. Toi et les douze autres, c’est une croûte de pain et une gamelle de soupe, qu’il vous faut. Retournez chez vous, cela et préférable pour vous ! »
Djellaba maghrébine blanche, babouches jaunes aux pieds, chéchia ornée d’un tarbouche et « gnibri » en main, notre cheikh, las de toutes ces ruses, décida, cette fois ci, de se présenter seul et sans déguisement, au Harraz.
Arrivé devant le palais, notre ami se mit à chantonner les proses écrites pour sa dulcinée.
A sa vue, les gardes demandèrent au Harraz :
« O maître, voudrais-tu lui répondre ? »
Dès qu’il entendit sa voix, El Harraz sortit sur les remparts suivi d’Aouicha, qui avait reconnu la voix de son bien aimé.
A sa vue, Aouicha dit au cerbère :
« Ce n’est qu’un cheikh, laisse le entrer dans le palais sans discuter car aujourd’hui, ce troubadour va nous égayer de sa belle musique ! »
« O ! belle aux yeux de braises, je ne lui fais nullement confiance et ne lui permettrais même pas de voir ton ombre, en plus, il ne mettra jamais les pieds au palais » rétorqua El Harraz.
« Ecoute ô mon ami, chez nous, au Maghreb, les femmes assistent aux fêtes avec les cheikhs en toute fraternité et sans aucune arrière pensée. Tu n’as aucune crainte avoir de lui ! » rétorqua la gazelle, tout en faisant un clin d’œil discret à notre ami.
Rasséréné par ses belles paroles et, mis en confiance, El harraz salua notre ami, en lui faisant l’honneur de son palais.
« Sois le bienvenu ô cheikh, aujourd’hui est un jour béni et tu vas nous divertir de tes chansons » lui dit -il.
A ces mots, la belle Aouicha sourit malicieusement.
Notre ami, sa bien aimée et le cerbère s’installèrent sur des sofas en soie installés dans une pièce magnifiquement décorée, au milieu de laquelle trônait une table basse en cuivre, richement ciselée, supportant des mets succulents.
Le regardant dans les yeux, Aouicha, dit à notre cheikh : « Bois et fais nous entendre le son de ton « gnibri » ô maghrébin ! »
Il prit son instrument et commença à fredonner les vers écrits, pour sa belle, sous forme de paraboles.
Mêlant sa voix de rossignol, à la sienne, elle lui répondit en fredonnant : « Toutes les ruses que tu as utilisées ont été dérisoires, si tu étais venu la première fois sans déguisement, on n’aurait pas été séparés pendant tout ce temps, mais aujourd’hui je vais montrer à ce harraz, qui nous a séparés pendant douze jours, ce que valent les maghrébines ! ».
El harraz, affalé sur les coussins et somnolant sous l’effet de la musique et du vin, ne fit pas attention, quant Aouicha lui subtilisa sa baguette magique.
En un tour de main, elle le transforma en un chimpanzé dansant et hurlant tout en faisant apparaître un djinn bleu à qui, elle ordonna :
« Prend ce maudit Harraz, fais en ce que tu veux ou bien ramène le chez sa mère, dans son Hidjaz natal, pour qu’elle lui apprenne, que malgré toute sa malignité et sa ruse, celle des femmes est plus puissante ».
Se tournant vers son bien aimé :
« A partir de cet instant, rien ne nous séparera plus ! » dit-elle avec un charmant sourire.
Est - ce un conte, une légende ou une histoire vraie ?
Finalement, dans cette histoire, le plus rusé n’est pas celui qu’on le croit, loin de là ! a vous de comprendre !
Sources :
– http://www.el-gusto.fr/
– http://ircalgerie.com/